Au début des années 70, face aux difficultés pour trouver des solutions d’assurances sur des secteurs délaissés par les assureurs traditionnels et/ou pour lesquels les contrats du marché ne permettaient pas de répondre aux besoins des assurés, a émergé un nouvel acteur : le courtier grossiste.
Pourtant, le Code des assurances ne comprend aucune disposition évoquant le courtier grossiste. S’est donc posée la question de savoir si son activité relève bien de l’intermédiation en assurance et à quelle catégorie d’intermédiaires il convient de le rattacher.
En effet, le courtier grossiste a la particularité de concevoir un produit d’assurance avant de le proposer à un assureur qui va porter le risque.
Cet assureur peut déléguer au courtier grossiste tout ou partie de la gestion du produit, à charge pour celui-ci de trouver un réseau de courtiers apporteurs indépendants pour le commercialiser auprès des clients.
L’ACP a précisé, dans son rapport d’activité de 2009, que les courtiers grossistes, bien que n’étant pas en contact direct avec les assurés, étaient bien des intermédiaires en assurance, soumis à son contrôle.
Par élimination, c’est donc dans la catégorie des courtiers en assurance que sont immatriculés auprès de l’ORIAS les courtiers grossistes même s’ils disposent de mandats d’une compagnie. Le courtier grossiste, maillon dans la chaîne de souscription et de gestion des produits d’assurance, entretient des relations avec la compagnie porteuse du risque (voir le paragraphe 1 ci-contre) qui, en cas de faute commise dans le cadre de sa délégation de pouvoirs, pourra mettre en cause sa responsabilité. Il entretient également des relations avec les courtiers apporteurs (voir le paragraphe 2 page 10) avec lesquels il a des obligations contractuelles réciproques auxquelles s’ajoutent des obligations légales d’information et de conseil.
Parfois même, le courtier grossiste peut être amené à entrer en relation directement avec les candidats à l’assurance.

La relation du courtier grossiste et de la compagnie porteuse du risque

Une délégation de pouvoirs accrue : un risque de mise en cause renforcé

Le respect de la politique de souscription
Lorsque la compagnie accepte de porter le contrat conçu par le courtier grossiste, elle peut lui déléguer la gestion de la souscription. Le courtier grossiste devra respecter les règles mises en place par la compagnie ; à défaut, il s’expose à un possible recours de celle-ci, contrainte de garantir un risque qu’elle ne souhaitait pas.
Exemple : un courtier grossiste a accepté de garantir un scooter. Un sinistre survient . La compagnie s’aperçoit que l’assuré a son permis de conduire depuis moins de deux ans, ce qui est contraire à ses règles de souscription. Le contrat ne comportant pas d’erreur sur la date du permis, la compagnie est tenue de garantir le sinistre et exerce un recours contre le courtier grossiste qui n’a pas respecté la politique de souscription.

L’exécution d’actes de gestion pour le compte de la compagnie
Le courtier grossiste peut, dans le cadre des mandats que la compagnie lui a confiés, avoir à accomplir des actes de gestion qui sont normalement à la charge de la compagnie :
– lettre de mise en demeure pour non paiement de prime, lettre de résiliation pour sinistre…
Certains de ces actes nécessitent de respecter un formalisme ou des délais imposés par le Code des assurances dont le non-respect aurait pour conséquence de les priver de tout effet. La compagnie serait alors tenue de garantir un sinistre, ce qu’elle pourrait reprocher au courtier grossiste.
Exemple :Le courtier gros s i s te envoie une lettre de mise en demeure à l’assuré pour non-paiement de primes. L’assuré déclare un sinistre et conteste la résiliation. La compagnie est contrainte d’indemniser le sinistre car la lettre de résiliation adressée par le courtier grossiste n’a pas été envoyée en LRAR (1). Elle indemnise l’assuré et forme un recours contre le courtier grossiste qui n’a pas respecté le formalisme imposé par le Code des assurances .

La gestion des sinistres pour le compte de la compagnie
La compagnie peut confier au courtier grossiste la gestion des sinistres. Le courtier grossiste analysera les garanties et règlera les indemnités d’assurance pour le compte de la compagnie.
Si un sinistre est indemnisé au-delà des garanties contractuelles, sans possibilité de recours auprès du bénéficiaire, la compagnie pourrait solliciter le remboursement de ces sommes auprès du courtier grossiste.
Exemple : un courtier grossiste gère les sinistres d’un contrat complémentaire santé. Lors d’un audit, la compagnie s’aperçoit, concernant les demandes de remboursement de soins dentaires, qu’il a appliqué un plafond de garantie par sinistre et non par année.

La résiliation par la compagnie de la convention la liant au courtier grossiste
La convention peut être prévue pour une durée indéterminée. Toutefois, chaque partie peut, à tout moment, résilier la convention selon les modalités prévues par celle-ci. En cas de résiliation émanant de la compagnie, le courtier grossiste devra résilier tous les contrats souscrits, en informer son réseau d’apporteurs et veiller à ce qu’ils ne fassent plus souscrire d’affaires nouvelles. Il devra également tenter de trouver une solution de remplacement. L’ensemble de ces démarches nécessitera un certain temps, c’est pourquoi le courtier grossiste devra être vigilant sur les modalités prévues à ce sujet dans la convention et vérifier qu’il existe un délai de prévenance suffisant.
Exemple : un courtier grossiste avait obtenu un mandat de souscription avec un assureur pour faire souscrire un contrat destiné aux bijoutiers. La compagnie souhaite se retirer du marché et résilie la convention conclue avec le courtier grossiste. Six mois plus tard, un sinistre survient. L’assuré sollicite le remboursement de son préjudice. La compagnie refuse de garantir le sinistre car le contrat a été souscrit alors que la convention conclue avec le courtier grossiste était résiliée. L’assuré ayant en sa possession un contrat assigne la compagnie, qui, condamnée à payer, s’est retournée contre le courtier grossiste. Celui-ci n’avait pas veillé à ce qu’aucun exemplaire de contrat ne soit resté chez les courtiers apporteurs qui avaient pu ainsi continuer de le proposer.

Ces différentes situations mettent en exergue le fait que si le courtier grossiste ne respecte pas les obligations mises à sa charge dans la convention, il s’expose à un recours de la compagnie dont les modalités peuvent être contractuellement prévues.

L’aménagement conventionnel du litige : la clause compromissoire

En cas de conflit entre une compagnie et le courtier grossiste, celui-ci doit normalement être tranché devant les tribunaux selon les règles de droit commun. Néanmoins, la convention conclue entre la compagnie et le courtier grossiste peut en décider autrement au moyen notamment d’une clause compromissoire.
Par application de cette clause, en cas de différends, les parties s’engagent à recourir à l’arbitrage et le litige échappera à la compétence des tribunaux. Le recours à ce type de clause peut avoir de lourdes conséquences puisqu’elle peut permettre à l’arbitre de rendre une décision en équité et non en droit. Par ailleurs, la convention peut prévoir que les parties renoncent à faire appel de la sentence rendue. De ce fait, la sentence rendue par les arbitres pourrait être contraire à la jurisprudence applicable et aggraver la responsabilité du courtier grossiste.

Le courtier grossiste a recours à des courtiers apporteurs afin de commercialiser les contrats. En cas de faute commise par ces derniers, sa responsabilité civile pourrait éventuellement être recherchée par la compagnie en tant que civilement responsable. Le courtier grossiste n’est pas non plus à l’abri d’une action intentée par le courtier apporteur ou par l’assuré.

La relation entre le courtier grossiste et le courtier apporteur

La relation entre le courtier grossiste et le courtier direct doit être formalisée dans un accord définissant les modalités de leur collaboration.
Ce sont donc ces aménagements conventionnels, auxquels viendront s’ajouter les obligations légales propres à l’activité d’intermédiation en assurance, qui vont régir leur relation et auxquelles se superposent également des normes issues de la codification des usages professionnels.

L’application des obligations contractuelles entre les deux courtiers

La convention va régir les conditions de la collaboration entre les courtiers mais également les modalités pratiques des différentes procédures déléguées au courtier apporteur, s’agissant notamment de la souscription.
Ainsi, et notamment sur les conditions de souscription, le courtier grossiste fixe à l’attention du courtier apporteur la liste des justificatifs requis pour la souscription, outre les délais dans lesquels ils doivent lui être transmis. Il appartiendra au courtier apporteur de rapporter la preuve de la bonne exécution de ses obligations contractuelles à l’égard du courtier grossiste.
Exemple N°1 : un courtier apporteur fait appel à un courtier grossiste pour l’un de ses clients qui souhaite une couverture tous risques pour son véhicule sans permis. Suite à l’émission du devis, le client transmet au courtier apporteur les justificatifs sous quinze jours. Ce dernier les adresse au courtier grossiste par courrier simple dans le délai imparti. Quelques jours plus tard un sinistre survient. Le courtier grossiste, ne les ayant pas reçus, la garantie n’ayant dès lors pas pris effet, le courtier grossiste refuse la prise en charge du sinistre.

Le courtier apporteur, faute de pouvoir rapporter la preuve de la bonne exécution de son obligation, pourrait engager sa responsabilité à l’égard de l’assuré. Il doit donc être attentif au respect des délais fixés par le protocole en se ménageant la preuve de l’envoi.

La convention va également régir les modalités de la mise à disposition par le courtier grossiste de certains outils de gestion, notamment du logiciel extranet permettant au courtier apporteur d’émettre des devis, des attestations d’assurance et des contrats. Ce faisant, le courtier grossiste va déléguer au courtier apporteur la réalisation de certains actes de gestion qui peuvent être source de responsabilité.
Exemple N° 2 : un client, faisant l’objet d’un malus, sollicite un courtier apporteur pour garantir en tous risques un véhicule qu’il vient d’acquérir. Grâce au logiciel mis à sa disposition par le courtier grossiste, le courtier apporteur émet un devis que son client accepte. Le courtier apporteur remet le contrat à l’assuré qui le signe, ainsi que la carte verte. Il envoie ensuite le contrat signé au courtier grossiste. Le lendemain un sinistre survient. Le courtier grossiste refuse la souscription car la durée entre la date d’immatriculation du véhicule et la date de la souscription du contrat excède 7 jours, ce qui est contraire à la politique de souscription imposée par la compagnie. Néanmoins, le contrat ayant été émis, la compagnie, obligée de régler le sinistre, exerce son recours contre le courtier grossiste (auquel la souscription du contrat avait été déléguée) pris en qualité de civilement responsable du courtier apporteur.

Dans la mesure où le logiciel n’avait pas bloqué l’édition du contrat, le courtier apporteur a pu émettre le contrat malgré les règles de souscription contraires. Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur les modalités de souscription.

La détermination du débiteur de l’obligation d’information et de conseil dans les rapports entre les deux courtiers

Les dispositions de l’article L520-1 du Code des assurances s’imposent à tout intermédiaire en assurance. Se pose alors la question de savoir comment se répartit la charge du devoir d’information et de conseil lorsque plusieurs intermédiaires interviennent dans le processus de souscription.

Le 14 mai 2009, la Chambre Syndicale des Courtiers d’Assurances (CSCA) a adopté un code de conduite régissant les rapports entre les courtiers grossistes et apporteurs, s’agissant de l’exécution des obligations d’information et de conseil propres à chacun d’eux.
Ce code rappelle l’obligation de formalisation des rapports entre les deux courtiers et impose un devoir d’entraide au courtier grossiste tenu d’apporter au courtier apporteur une information claire et un soutien technique sur le produit commercialisé (art. 1 et 3).

Le courtier grossiste qui conçoit le produit d’assurance doit élaborer la documentation technique correspondante. Il lui appartient donc de fournir au courtier apporteur tous les éléments juridiques et fiscaux afin de lui permettre d’appréhender au mieux le produit et ainsi de s’assurer de son adéquation aux besoins de sa clientèle (art. 3).

C’est en revanche au courtier apporteur, directement au contact du client, de recueillir ses besoins, d’en faire l’analyse, de conseiller le client en conséquence et de formaliser son conseil par écrit (art. 4).
Exemple : un courtier grossiste présente à l’un des courtiers apporteurs avec lesquels il collabore un nouveau produit d’assurance vie bénéficiant d’avantages fiscaux. Le courtier apporteur fait souscrire à certains de ses clients ce produit en vantant les différents avantages. Cependant, l’administration fiscale va contester le bien-fondé et pratiquer des redressements. Les souscripteurs assignent le courtier apporteur pour manquement au devoir de conseil, lequel se retourne contre le courtier grossiste considérant que les informations qui lui avaient été communiquée étaient inexactes.
Le courtier apporteur pourra voir sa responsabilité engagée à l’égard des clients mais pourra exercer son recours contre le courtier grossiste défaillant dans la mise au point d’une documentation exacte et précise.
L’intervention du courtier grossiste dans le processus de souscription n’invalidera pas la mise en jeu de la responsabilité du courtier apporteur défaillant dans l’analyse des besoins de son client.

Les relations sporadiques du courtier grossiste avec le candidat à l’assurance

Dans certains cas, le courtier grossiste peut se retrouver en relation directe avec le client et se comportera alors comme un courtier direct. Il lui appartient dans ce cas de veiller à ne pas générer de confusion sur son statut dans l’esprit du client, notamment au travers des supports de communication (papier entête, carte de visite, adresse mail).
Le candidat à l’assurance peut néanmoins facilement confondre le courtier grossiste, qui dispose de pouvoirs de gestion confiés par la compagnie, avec la compagnie elle-même. Il peut alors mettre en cause le courtier grossiste et agir à son encontre pensant agir contre le porteur de risque.
Or, le courtier grossiste ne dispose pas nécessairement d’un mandat pour représenter la compagnie en justice et doit donc veiller à ce que les documents contractuels précisent qu’il intervient en qualité d’intermédiaire de la compagnie.
Le client peut également être tenté, pour des questions d’opportunité, d’assigner directement le courtier grossiste en cas de défaillance du courtier apporteur, notamment lorsque ce dernier a cessé son activité.

Le courtier grossiste est une spécificité française dont le rôle, le statut et les responsabilités doivent être légalement clarifiés. Soucieux de résoudre ce problème, le Comité Européen des Assurances a souhaité que, dans le cadre de la révision de la directive sur l’intermédiation en assurance, la question du statut des courtiers grossistes soit débattue.
Quant à la directive Solvabilité II, qui n’a pas encore été transposée en droit français, son article 49 prévoit que les entreprises d’assurance restent les seules responsables du contrôle des obligations qui leur incombent lorsqu’elles sous-traitent des activités d’assurance.
Dès lors, les compagnies porteuses de risques ayant recours à des courtiers grossistes vont devoir renforcer leur contrôle.