La loi du 22 octobre 2010 dite de régulation bancaire et financière, puis le décret du 26 janvier 2012 sont venus encadrer la profession d’IOBSP s’inspirant alors largement des textes déjà en vigueur pour les intermédiaires en assurances et pour les CIF. Nous évoquerons quelques particularités sur ces nouvelles obligations légales ainsi que le contentieux passé et à venir.

Quelles obligations légales pour l’IOBSP ?

Si la loi du 22 octobre 2010 a précisé le cadre de la réglementation à venir, c’est le décret qui est venu définir l’IOBSP : « est intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire » (article L 519-1 du Code Monétaire et Financier, « CMF »), et clarifier les différentes catégories d’IOBSP.
C’est encore le décret qui est venu encadrer les conditions de commercialisation des opérations de banque et services de paiement ce qui n’existait pas jusqu’à présent pour cette profession.

Le statut de l’IOBSP

La loi du 22 octobre 2010 a rappelé que l’IOBSP agit en vertu d’un mandat délivré par un ou plusieurs établissements bancaires ou de paiement, mais a posé une dérogation à cette règle en permettant également à l’IOBSP d’agir en vertu d’un mandat délivré par un client ou un autre IOBSP selon des conditions fixées par décret. Le décret du 26 janvier 2012 a introduit plusieurs catégories d’IOBSP. Il fait une distinction entre le courtier et le mandataire (article R 519-4 du CMF). Le premier exerce l’intermédiation en vertu d’un mandat du client. Le second exerce en vertu d’un mandat d’une ou plusieurs banques ou éventuellement d’un courtier.

La difficulté du choix de la catégorie

La première difficulté tient à la création du statut de courtier qui a une existence juridique propre. Il doit impérativement disposer d’un mandat délivré par un client. A l’heure actuelle, nous avons pu constater que si les courtiers ne disposent pas de mandat des établissements bancaires ou de paiement, en revanche les établissements bancaires mettent en place des conventions de partenariat avec les courtiers. La question se pose donc de l’indépendance du courtier. N’y a-t-il pas par ailleurs un risque de requalification de l’activité de courtier en mandataire non exclusif de l’établissement bancaire du fait de la perception également d’une rémunération de la banque ?
La seconde tient dans le fait que la loi proscrit la possibilité pour un même IOBSP de réaliser plusieurs opérations de banque et services de paiement dans la même catégorie.
La loi n’interdit cependant pas à un même IOBSP de réaliser ou de fournir plusieurs opérations de banque ou services de paiements à condition qu’ils soient différents et que l’IOBSP exerce dans des catégories différentes (article R 519-4 II du CMF). Par exemple, un IOBSP peut être courtier en prêt immobilier, mandataire exclusif en regroupement de crédit et mandataire non exclusif pour le crédit à la consommation.

En marge du statut d’IOBSP : l’indicateur d’affaires

L’indicateur d’affaires est exclu du champ des obligations applicables aux IOBSP (article R 519-2 2° du CMF). Son rôle se limite à indiquer le nom d’un établissement de crédit, transmettre des documents publicitaires ou communiquer les coordonnées d’un client à un établissement. Il ne doit donner ni conseils sur le produit, ni intervenir dans l’opération de souscription du produit. L’indicateur ne peut donc, par exemple, ni remettre et commenter une simulation d’emprunt immobilier, ni comparer plusieurs offres bancaires…
Si l’indicateur venait à sortir du champ fixé par le décret, il est à craindre que ce dernier soit requalifié en IOBSP et doive justifier en tant que tel d’une immatriculation à l’ORIAS.

En marge du statut d’IOBSP : le démarcheur bancaire

Lorsque l’IOBSP se livre à une opération de démarchage, il devra selon l’article L 519-5 du CMF se conformer aux dispositions légales propres à cette profession (articles L 341-1 et suivants du CMF).

Les bonnes pratiques de l’IOBSP

Le décret du 26 janvier 2012 a consacré un ensemble de règles protectrices de la clientèle qui entourent le processus de commercialisation de ces opérations et services. Ce texte s’inspire largement en matière d’obligation d’information et de conseil vis-à-vis du client de celui en vigueur pour les intermédiaires en assurances avec cependant quelques spécificités.

Un devoir de loyauté

Que l’IOBSP soit une personne morale ou une personne physique, le décret lui impose de manière générale de se comporter avec loyauté et agir au mieux des intérêts de son client y compris les clients potentiels (article R 519-19 I du CMF) s’inspirant alors des règles de bonnes conduites des CIF.
Le décret a entériné particulièrement pour cette profession des règles de bonnes conduites obligeant l’ensemble des IOBSP à fournir à leur client des informations sur le coût de l’opération ou du service proposé. En effet, l’IOBSP doit « convenir par écrit (ou sur un autre support durable) avec son client le montant des frais éventuels et de la rémunération qui lui sera due » (article R 519-26 I du CMF). Ces règles rappellent également aux IOBSP que leur conseil ne doit pas être guidé par les modalités ou le niveau de la rémunération perçue (article R 519-25 du CMF).

Un devoir d’information

Les informations à fournir par l’ensemble des IOBSP au client
L’IOBSP devra, comme l’intermédiaire en assurances, fournir des informations sur son identité tant lors de l’envoi de correspondances et des publicités, (article R 519-4 du CMF) que lors de l’entrée en relation avec le client (article R 519-20 du CMF), certaines informations seront communes aux quatre catégories d’IOBSP et d’autres spécifiques à la catégorie concernée.

Les informations spécifiques à fournir par le courtier au client et à l’établissement bancaire
Cette nouvelle réglementation ayant créé, comme nous l’avons exposé préalablement, un statut propre au courtier, le corollaire a été l’instauration d’obligations d’informations spécifiques pour ce dernier et ses mandataires vis-à-vis du client, mais également vis-à-vis de l’établissement bancaire.
Nous ne reprendrons pas dans le détail l’ensemble de ce dispositif réglementaire assez proche de celui à la charge des intermédiaires en assurances. La particularité de cette nouvelle réglementation réside dans l’obligation du courtier d’informer son client du montant et des modalités de calcul de la rémunération qui pourra lui être versée par l’établissement bancaire ou de paiement (article R 519-30 2° du CMF).

Par ailleurs, il est également précisé dans les textes qu’au moment de la souscription, le courtier et ses mandataires doivent « répondre sincèrement aux demandes de renseignement de l’établissement bancaire pour lui permettre d’apprécier les antécédents du client et le risque encouru, et s’abstenir de lui transmettre des fausses déclarations ou des éléments susceptibles de lui donner une opinion erronée du risque » (article R 519-31 I du CMF). Ces dispositions ont eu pour effet de déplacer les obligations initialement à la charge des banques vers le courtier qui doit désormais vérifier la véracité des informations fournies par le client.

Un devoir de conseil

Les règles issues du décret en matière de conseil à la charge des IOBSP sont beaucoup plus strictes qu’auparavant. En effet, les IOBSP se doivent de prendre en compte les spécificités du client en matière de conseil. Ces nouvelles obligations sont proches, semble-t-il, de celles à la charge des distributeurs d’instruments financiers.

Les règles communes aux IOBSP
Le décret décline les obligations en matière de conseil en fonction du produit concerné. Les obligations les plus lourdes pèsent sur l’IOBSP qui présente des opérations de crédit.
Pour tout produit, l’IOBSP présente au client personne physique les caractéristiques essentielles du service, de l’opération ou du contrat proposé (article R 519-19 II du CMF). Pour les opérations de crédit, l’IOBSP s’enquiert auprès du client, y compris du client potentiel, de ses connaissances et de son expérience en opérations de banque, de sa situation financière et de ses besoins, de ses ressources et charges (prêts en cours) pour adapter l’opération envisagée à sa situation (article R 519-21 du CMF). Il attire également l’attention du client sur les conséquences de l’opération sur sa situation financière et les biens remis en garantie (article R 519-22 du CMF).

Les règles spécifiques au courtier
Le décret a créé des règles spécifiques pour le courtier et ses mandataires qui sont calquées sur celles applicables aux courtiers en assurances consistant à analyser un nombre suffisant de contrats pour fonder une analyse objective du marché (article R 519-28 du CMF), et préciser au client les raisons qui motivent ses propositions (article R 519-29 du CMF).
En revanche, le décret a introduit une certaine souplesse pour les courtiers lors de la réalisation de travaux préparatoires à la réalisation d’une opération de banque ou la fourniture d’un service sans contrepartie financière en le dégageant de toute obligation d’analyser objectivement le marché ce qui n’existe pas pour les courtiers en assurances.

Conclusion

Cette nouvelle réglementation beaucoup plus étoffée que la précédente s’est nourrie à la fois des textes déjà applicables dans d’autres professions et du recul de la jurisprudence sur la matière. Elle est venue globalement alourdir les obligations à la charge des IOBSP ce qui devrait engendrer à l’avenir une aggravation de l’appréciation de la responsabilité des IOBSP par les magistrats.

Les litiges d’hier seront-ils les litiges de demain ?

Avant la loi du 22 octobre 2010 et son décret d’application, très peu de textes encadraient la profession d’IOB (anciens articles L 519-1 et suivants du CMF). L’IOB ne pouvait intervenir qu’en qualité de mandataire d’un établissement bancaire et financier. Toutefois, en pratique, certains IOB se présentaient auprès de leurs clients comme « courtiers en prêt », alors que ce statut n’était pas règlementé. Voici quelques exemples, non exhaustifs, de cas de litiges illustrant ce que les magistrats attendaient déjà des IOB. Nous n’aborderons que les cas dans lesquels la responsabilité civile professionnelle d’un IOB a été mise en jeu concernant une opération de crédit et non à l’occasion de montages financiers complexes (prêts contractés dans un but de défiscalisation, de souscription d’OPCVM ou prêts in fine).
Nous déclinerons les différentes obligations retenues par les magistrats, qu’elles soient d’information, de conseil, de mise en garde ou de diligence.

Devoir d’information

Exemple : Manquement au devoir d’information retenu par les magistrats à l’encontre d’un IOB pour ne pas avoir averti ses clients sur le fait que le prêt proposé en vue de l’achat d’un bien immobilier en VEFA et qui permettait un différé de remboursement comportait en fait des intérêts intercalaires et n’était donc qu’un différé partiel.

Les magistrats imposaient déjà une obligation qui pouvait s’apparenter à une obligation de résultat à l’IOB en matière d’information à apporter à son client. Ce devoir d’information a d’ailleurs été depuis consacré par l’article R 519-19 II du CMF. L’IOBSP doit donc veiller à transmettre à son client tous les renseignements sur les caractéristiques du prêt ainsi que sur ses accessoires (intérêts, frais et pénalités).

Devoir de conseil

Exemple : Manquement au devoir de conseil retenu contre un IOB qui avait conseillé à ses clients de limiter leur apport personnel important lors de la souscription d’un prêt et de procéder par la suite à un remboursement anticipé. Les assurés ont mis en avant le fait que les frais liés au remboursement anticipé du prêt étaient plus élevés que les intérêts qu’ils auraient dû payer s’ils n’avaient pas limité leur apport.

L’IOB était tenu de conseiller à son client la solution de crédit qui répondait le mieux à la situation de leur client. Désormais, le devoir de conseil est consacré par l’article R 519- 21 du CMF. Le rôle de l’IOBSP consiste à orienter l’emprunteur vers le crédit le plus approprié à ses besoins. Tout comme l’intermédiaire en assurance, son conseil sera toutefois nécessairement modulé en fonction des capacités techniques de son client, de critères tels que la profession de l’emprunteur, la nature du prêt, les habitudes de consommation du client, l’existence d’autres prêts, ses revenus…

Devoir de mise en garde

Exemple : Des emprunteurs reprochaient à leur IOB de leur avoir conseillé la souscription d’un prêt en francs suisses mais remboursable en euros. Ils estimaient ne pas avoir été suffisamment mis en garde sur la dangerosité du crédit proposé qui dépendait des fluctuations de la parité francs suisses/euros. Les emprunteurs se sont retrouvés dans une situation financière très délicate car ils ont dû rembourser une somme beaucoup plus importante que celle qu’ils avaient prévue.

La jurisprudence exigeait de l’IOB qu’il attire l’attention de son client sur les conséquences potentielles de crédits contractés sur sa situation financière. L’article R 519-22 du CMF a repris cette obligation de mise en garde : l’IOBSP doit exposer les risques que pourrait avoir le crédit sur la situation financière de son client afin de lui éviter notamment le surendettement. Par ailleurs, le nouvel article 312-3-1 du Code de la Consommation issu de la loi du 26 juillet 2013, qui encadre la souscription de ce type de prêt, prévoit désormais d’une part que les emprunteurs doivent être informés des risques inhérents à un tel contrat de prêt et d’autre part que les possibilités éventuelles de conversion des remboursements en monnaie nationale en cours de prêt doivent être précisées avant l’émission de l’offre de prêt.

Devoir de diligence

Exemple : Un tribunal avait retenu que l’IOB n’avait pas été en mesure d’apporter un conseil éclairé lors d’un rachat de prêt immobilier puisqu’il ne s’était pas fait communiquer par son client l’ensemble des éléments contractuels du prêt.

Les magistrats attendaient donc de l’IOB qu’il fasse preuve d’initiative en sollicitant tous les éléments qui lui étaient nécessaires afin d’être en mesure d’apporter un conseil adapté à son client. Cela impliquait donc en pratique célérité et devoir élémentaire de précaution de la part de l’IOBSP. L’article R 519-19 du CMF, qui indique que l’IOBSP doit agir au mieux des intérêts de son client, pourrait s’analyser comme une consécration de ce devoir de diligence.

Conclusion

Les magistrats se montraient déjà exigeants envers les IOB et avaient déterminé un certain nombre de règles qu’ils étaient tenus de respecter afin de ne pas voir leur responsabilité retenue.
Ces obligations jurisprudentielles ont par la suite été érigées en obligations légales avec la loi du 22 octobre 2010 et son décret d’application. Cette nouvelle règlementation peut donc finalement s’analyser comme une transposition des principes dégagés auparavant par la jurisprudence.
Nul doute que les litiges d’hier continueront donc en ce sens d’être ceux de demain. Toutefois, nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette nouvelle règlementation n’ouvrira pas la voie à une augmentation des mises en cause à l’encontre des IOBSP par leurs clients qui pourront s’appuyer sur les termes de la loi pour fonder leurs réclamations dans un contexte de lutte contre le surendettement.