La navigation de plaisance est définie comme un loisir qui se pratique avec un véhicule nautique. Elle recouvre un certain nombre d’embarcations dont notamment les voiliers monocoques ou multi coques, les catamarans mais également les bateaux à moteurs, les vedettes, les pneumatiques, les jets ski, kayaks… Que la navigation de plaisance s’adresse à des marins confirmés, des passionnés ou à des débutants curieux, elle est soumise à la même réglementation que ce soit pour naviguer dans les eaux intérieures ou en mer. De l’enregistrement administratif du bateau pour obtenir le titre de navigation, l’obtention du permis bateau pour les bateaux de plaisance à moteur, son immatriculation pour naviguer en mer et sa francisation, jusqu’au matériel de sécurité exigé selon les zones de navigation autorisées, les plaisanciers doivent tous se conformer aux mêmes règles. L’assurance de la navigation de plaisance est à distinguer de l’assurance maritime, fluviale ou lacustre, régie par les articles L. 171-1 et suivants du Codes des Assurances, et qui s’attachent à garantir, au cours de transport de marchandises, les dommages subis par le navire et les marchandises transportées.

Au contraire, l’assurance de la navigation de plaisance est encadrée par les règles communes de l’assurance terrestre et n’est donc pas soumise aux spécificités de l’assurance maritime, le plaisancier n’étant pas soumis à une obligation légale d’assurance. Le contraste entre la technicité de la navigation de plaisance et le concept, même de loisir pratiqué majoritairement par des particuliers novices, invite l’intermédiaire en assurance à attirer l’attention de ses clients sur un type de risques et de garanties qui sont moins familiers que les risques de la vie quotidienne, et répondent à une terminologie technique particulière. Le devoir d’information de l’intermédiaire n’en sera que renforcé, l’intermédiaire en assurance appréhendera avec vigilance les déclarations du client pour adapter ses conseils en fonction des circonstances décrites et proposer un contrat en adéquation avec le risque présenté.

Un devoir d’information renforcé par la terminologie spécifique pas toujours familière aux assurés

Si l’assurance de la navigation de plaisance est régie par les textes propres à l’assurance terrestre, la navigation de plaisance ellemême répond du domaine de compétences du Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie qui s’attache à réglementer ce qui reste avant tout un loisir. La spécificité de l’assurance de ce loisir va donc résider dans l’existence de clauses techniques particulières insérées dans les contrats par les compagnies d’assurance et dont l’interprétation peut prêter à confusion et être source de litige. L’intermédiaire en assurance devra s’assurer que son client, notamment quand il s’agit d’un profane, a pris connaissance des clauses de son contrat, celles-ci ayant un impact direct sur l’exercice de son activité sportive et récréative, et la prise en charge des sinistres le cas échéant.

Les documents de bord indispensables

La garantie de la compagnie est conditionnée à la présence et à la validité des documents de bord essentiels à la navigation (titre de navigation comme le certificat de bateau, la carte de circulation pour les eaux intérieures, le certificat international pour les eaux internationales, les documents permettant d’identifier le bateau comme le certificat d’immatriculation, l’acte de francisation…).
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que ne commet pas une faute l’agent qui n’informe pas l’assuré de la nécessité de posséder un certificat de navigabilité conforme à la règlementation maritime, (Civ. I, 2 juil. 2002).
S’il n’appartient pas à l’intermédiaire en assurance de s’assurer que l’assuré possède bien ces documents puisqu’il n’a pas de devoir de vérification général, il lui appartient cependant d’attirer l’attention de l’assuré sur les conséquences de l’absence de ces documents sur la garantie.

Exemple : un client sollicite de son agent général la souscription d’un contrat de navigation de plaisance pour garantir un bateau en cours de réfection et remisé dans un hangar. Postérieurement à la souscription le hangar brûle. La compagnie refuse d’indemniser le sinistre, l’assuré ne pouvant prouver ni la détention d’un acte de francisation, ni la détention d’un certificat de navigabilité. L’intermédiaire en assurance est mis en cause pour ne pas avoir informé son client de cette déchéance de garantie, applicable même si le bateau n’est pas en état de naviguer et fait l’objet au moment du sinistre de travaux de réfection.

L’utilisation de l’embarcation : traversées (Atlantique, Pacifique…), tour du monde et croisières en solitaire

Les contrats d’assurance de navigation de plaisance peuvent exclure certaines utilisations du navire : certains excluront la navigation de plaisance au cours des courses ou autres manifestations sportives, d’autres excluront la croisière en solitaire. Ces exclusions ne sont pas toujours rédigées de manière claire, la croisière en solitaire par exemple n’ayant pas de définition officielle et peut donner lieu à interprétation.

Exemple : un client souscrit par l’intermédiaire d’un courtier, faisant lui-même appel à un courtier grossiste, un contrat auprès d’une compagnie étrangère exerçant en libre prestation de services excluant les dommages survenus à l’occasion d’une croisière en solitaire. Un sinistre incendie survient alors que le bateau était au mouillage, et que seul le skipper était à bord, le reste de sa famille étant parti avec l’annexe sur terre. La compagnie a refusé sa garantie en se fondant sur la clause qui excluait la croisière en solitaire. Il peut cependant exister une difficulté dans l‘interprétation de ce qu’est une croisière en solitaire : s’agit-il d’un voyage en vue de relier un point du globe à un autre englobant ou non des haltes et arrêts d’ordre technique ? Le courtier avait vu sa responsabilité civile professionnelle mise en cause pour un défaut à son devoir d’information, pour ne pas avoir attiré l’attention de son client sur cette notion.

Dans cette affaire, le tribunal a fait application du Code de la Consommation pour trancher le litige et interpréter la clause dans le sens le plus favorable au consommateur et ainsi retenir que cette clause ne pouvait exclure le sinistre intervenu à l’arrêt. Mais cette notion reste difficile à appréhender pour un assuré. L’intermédiaire en assurance sera d’autant plus vigilant lorsque les contrats ont pu être rédigés en langue étrangère et faire l’objet de traduction dont l’interprétation peut par la suite entraîner des litiges.

La délimitation de la zone de navigation

La réglementation Division 240 révisée, entrée en vigueur au 1er mai 2015 et applicable en mer à tous les engins, embarcations et navires de plaisance à usage personnel ou de formation d’une longueur de coque inférieure ou égale à 24 mètres, définit quatre zones de navigation en fonction de l’éloignement d’un abri, basique, côtière, semi-hauturière, hauturière, et influe notamment directement sur le matériel de sécurité embarqué exigé. Tous les contrats d’assurance de navigation de plaisance vont limiter leur étendue territoriale soit par des coordonnées GPS soit en milles marins. La clause de territorialité est rappelée dans la grande majorité des cas dans les conditions particulières et mérite toute l’attention du client qui souscrit un contrat d’assurance pour un risque qui peut par nature évoluer dans le temps, d’autant plus pour un client novice.

Exemple : un particulier qui utilisait son voilier uniquement dans le Golfe du Morbihan depuis la souscription de son contrat décide à sa retraite d’explorer de nouveaux horizons. Il subit une avarie près des Antilles. La compagnie refuse sa garantie au motif que Les Antilles ne sont pas comprises dans la zone géographique de navigation définie au contrat par des données GPS. Le client met en cause son agent général pour ne pas l’avoir informé sur l’étendue territoriale restreinte de son contrat.

La notion d’assuré

Alors que la notion de chef de bord a été définie par la nouvelle Division 240 comme le membre d’équipage responsable de la conduite du navire, de la tenue du journal de bord lorsqu’il est exigé, du respect des règlements et de la sécurité des personnes embarquées, il n’est pas aussi aisé de définir l’assuré d’un contrat d’assurance de navigation de plaisance, tant il varie selon les garanties en cause et l’utilisation propre du navire et qui ne peut s’assimiler au seul chef de bord.

Exemple : une société a souscrit un contrat de navigation de plaisance pour garantir en RC et en dommages un ensemble de quatre bateaux confiés par une autre société dans le cadre d’un contrat de location de longue durée et qu’elle exploite dans le cadre de son activité professionnelle. Un des bateaux était en réalité exploité par une troisième société, non souscriptrice du contrat. À la suite d’un sinistre incendie, la compagnie a refusé sa garantie au motif que le contrat d’affrètement n’était pas conclu entre le propriétaire et le souscripteur du contrat de navigation de plaisance, mais avec une autre société, circonstance non déclarée au contrat. Le courtier est mis en cause pour ne pas avoir attiré l’attention de son client sur la notion même d’assuré compte tenu des contrats d’affrètements qui étaient signés avec les propriétaires et l’exploitation en commun avec une autre société des bateaux.

Un devoir de conseil adapté au client et à son activité

Le contrat d’assurance de navigation de plaisance va assurer au minima la responsabilité civile, mais plusieurs autres garanties optionnelles peuvent être souscrites comme la garantie dite « corps de navire » ayant pour but d’indemniser l’assuré des pertes et dommages matériels subis par les navires assurés, la garantie vol objets transportés, la garantie individuelle accident et la garantie assistance… La souscription de ces garanties sera conditionnée aux besoins et exigences qu’aura exprimés le client et après que l’intermédiaire lui ait donné le conseil adapté et l’ait mis en garde si l’option retenue n’est pas en adéquation avec le risque présenté et ce, sur de nombreux points.

Usage de l’embarcation

Dès lors que l’intermédiaire en assurance a connaissance d’un usage particulier de l’embarcation, que ce soit la participation à des épreuves sportives, le projet d’un Tour du Monde ou simplement la pratique de sports de glisse ou de ski nautique par des personnes tractées, il devra proposer un contrat qui permette la prise en charge des sinistres qui interviendraient dans ces conditions d’utilisation.

Exemple : à la suite d’un accident de ski-biscuit, la compagnie refuse d’indemniser les blessures subies par les passagers tractés en ski-biscuit. Le client met en cause le courtier pour ne pas l’avoir informé de l’existence d’une clause qui excluait du bénéfice de la garantie individuelle accident les personnes tractées dans le cadre de sports nautiques, alors même que le courtier avait déjà eu l’occasion, lors d’une visite de risque à bord du bateau, de constater l’existence d’une bouée à bord du bateau.

Chaque compagnie propose des contrats avec des garanties différentes et des exclusions différentes. Si certains excluront de la garantie responsabilité civile la participation à des régates à titre professionnel, d’autres prévoiront d’exclure de cette même garantie les dommages résultant de la pratique du parachute ascensionnel. L’intermédiaire en assurance devra alors attirer l’attention de son client sur ces particularités si les circonstances décrites par le client rentrent dans le cadre d’une exclusion et ce d’autant plus si le client n’est pas professionnel.

La détermination des valeurs assurables

Le contrat d’assurance de navigation de plaisance pourra garantir par le biais d’une garantie perte, avaries et vandalisme, les dommages et pertes subis par le bateau. Chaque contrat définira avec précision ce que recouvre cette garantie et notamment la valeur du bateau, (dont ses équipements mobiliers fixes, matériel de navigation et d’armement faisant corps avec le bateau, embarcations de sauvetage selon les stipulations contractuelles), qui sera prise en compte pour l’indemnisation à la suite d’un sinistre.
Certains contrats laisseront le choix à l’assuré de prendre en compte la valeur agréée, constituant le montant maximum de l’engagement de l’assureur, fixé contradictoirement entre l’assureur et l’assuré sur la base d’un rapport d’expert agréé, ou de prendre en compte la valeur vénale. Cette valeur agréée ne vaudra que présomption de valeur au bénéfice de l’assuré, l’assureur devra apporter la preuve de ce que le bateau a une valeur moindre au jour du sinistre.

Exemple : un client venant d’acquérir un voilier neuf sollicite l’agent général pour souscrire un contrat navigation de plaisance et informe l’intermédiaire de l’importance de la garantie dommage compte tenu de la valeur du bateau. Le contrat souscrit prévoit une indemnisation en cas de perte totale du bateau à hauteur de la valeur vénale du bateau au jour du sinistre. Un an après, à l’occasion d’un incendie, le bateau a coulé. La compagnie d’assurance estime la valeur vénale du bateau à 70 % de sa valeur d’achat. Le client met en cause l’intermédiaire d’assurance pour ne pas lui avoir conseillé de souscrire une garantie dommage dont le montant de l’indemnité en cas de perte totale aurait été la valeur agréée. En effet, cette compagnie permettait d’assurer en valeur agréée pendant 3 ans le bateau neuf, garantie qui aurait été plus adaptée dans ces circonstances.

Le cas particulier de la garantie des biens personnels

Une attention particulière doit être apportée par l’intermédiaire en assurance sur ce type de garantie qui doit inviter l’assuré à définir correctement ses besoins en assurance tant sur les garanties conseillées que sur les montants de garantie, car le contrat doit pouvoir offrir les garanties en adéquation avec les biens contenus dans le navire.
En effet, l’assuré peut avoir fait de coûteux aménagements et posséder à son bord des biens tels que des objets de valeur, de la vaisselle luxueuse, des équipements électroniques de pointe, du matériel onéreux propre à son activité (matériel de plongée, photographique, audiovisuel, pêche)…

Exemple : un assuré se rapproche d’un agent général pour souscrire un contrat à hauteur de 800 000 euros sur la valeur vénale et déclare 200 000 euros d’objets transportés, selon un rapport d’expertise. L’agent général ne peut proposer dans le cadre de son mandat qu’une garantie pour les objets transportés de 30 000 euros maximum, ce dont il informe le client. Le contrat est passé en l’état. Suite à une avarie, le bateau coule. La compagnie indemnise sur la base de la valeur vénale et du plafond de garantie pour les biens et objets personnels. La responsabilité de l’agent général est recherchée par l’assuré pour manquement au devoir de conseil et de mise en garde car l’assuré avait à son bord de la vaisselle en porcelaine, des bibelots en cristal et de l’argenterie pour une valeur qu’il estime à 180 000 euros, valeur confirmée par le rapport d’expertise dont avait eu connaissance l’agent général.

Le contrat de navigation de plaisance, s’il est régi par les dispositions légales de l’assurance terrestre, n’est pas un contrat multirisque habitation et n’a pas pour finalité première de garantir des biens précieux, qui peuvent être même exclus du contrat, et encore moins pour des valeurs excédant 30 000 euros. L’intermédiaire en assurance devra prendre en compte toutes ses spécificités pour conseiller la garantie la plus adaptée ou se conserver la preuve qu’il a suffisamment mis en garde son client, qui a conscience de devenir son propre assureur pour les sinistres excédant les montants garantis.

Avec plus de 950 000 unités immatriculées en eaux maritimes au 31 août 2013 et près de 50 000 permis côtiers délivrés chaque année, l’assurance de ces véhicules nautiques n’est plus une affaire d’assurances de niche et peut concerner un grand nombre d’intermédiaires en assurance. L’attente de ces clients, novices pour la plupart, est d’autant plus exigeante que la technicité de la matière réclame une attention renforcée. L’intermédiaire en assurance se fera le garant d’une pratique en toute sécurité d’un loisir soumis à une réglementation particulière, par la souscription d’un contrat adapté à son client.