Les juridictions de l’ordre judiciaire
C’est l’ensemble des juridictions qui ont pour objet de régler les litiges entre particuliers (personnes physiques et personnes morales).
Les juridictions de première instance
Les juridictions civiles générales
Il s’agit du tribunal judiciaire et du tribunal de proximité. Ces juridictions traitent des litiges relevant du droit civil à savoir :
- Droit des obligations (ex : responsabilité civile), droit des contrats (droit bancaire, droit des assurances…).
- Droit des personnes (acquisition de la personnalité juridique, droits au nom, à l’image, à la vie privée, capacité juridique, protection des mineurs, tutelle, curatelle…)
- Droit de la famille (filiation, divorce…)
- Droit des biens (droit de la propriété, location…)
- Droit des successions.
Saisine : En règle générale, la personne qui se sent lésée dans ses droits, va par le biais d’une assignation (nécessairement par voie d’huissier) faire venir l’affaire devant le tribunal judiciaire ou le tribunal de proximité (litiges inférieurs à 10 000 €).
Sous certaines conditions et en cas d’urgence, il est possible de saisir le président du tribunal statuant en référé. Les délais et conditions d’appel sont alors différents.
Les principales juridictions civiles spécialisées
- Le tribunal judiciaire « pôle social »: il tranche les conflits entre les caisses de sécurité sociale, les employeurs et les usagers (remboursement, accident du travail, faute inexcusable de l’employeur…).
- Le Conseil de prud’hommes: il tranche les litiges entre salariés et employeurs (contrat de travail, licenciement…). Cette juridiction est dite paritaire car composée de juges non professionnels (nombre égal de représentants des employeurs et des salariés). En l’absence d’accord entre les conseillers non professionnels, un magistrat est alors désigné.
- Le tribunal de commerce: il tranche les litiges entre commerçants, artisans, entreprises. Son rôle est aussi d’accompagner les entreprises en difficultés, de mettre en place les procédures collectives, de tenir le RCS… Il est composé de juges non professionnels.
- Le tribunal paritaire des baux ruraux.
- La CIVI : c’est la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (sous certaines conditions, une victime d’infraction peut obtenir du Fonds de Garantie des indemnités).
Les juridictions pénales
Saisine : Une enquête de police ou de gendarmerie peut être enclenchée suite
- À la constatation d’une infraction (escroquerie, abus de confiance, viol, meurtre, blessures volontaires ou involontaires, …),
- à un dépôt de plainte.
Le procureur de la République informé (appelé également « parquet »), va décider de l’opportunité des poursuites. Il peut :
- Soit décider d’un classement sans suite, notamment pour infraction insuffisamment caractérisée, auteur inconnu, auteur décédé, …
- Soit engager des poursuites.
Dans cette hypothèse :
- Si les faits sont graves (homicide, viol…) il va confier le dossier à un juge d’instruction. Aux termes de l’instruction, ce dernier va rendre soit une ordonnance de renvoi vers le tribunal correctionnel ou la cour d’assises selon la gravité des faits – soit une ordonnance de non-lieu (exemples : absence de charges suffisantes, auteur décédé, irresponsabilité pénale pour abolissement du discernement etc. …)
- Si les faits sont moins importants, le parquet va renvoyer l’affaire directement devant le tribunal pénal compétent (police ou correctionnel) notamment par voie de citation à comparaitre ou de comparution immédiate.
Le procureur peut également organiser une médiation pénale. Devant la cour d’assises, une instruction a nécessairement eu lieu.
A noter : quand bien même le parquet aurait classé l’affaire sans suite, toute personne peut se constituer partie civile devant le doyen des juges d’instruction qui a alors l’obligation d’ouvrir une instruction.
Enfin, le procureur de la République, représentant et défendant les intérêts de la société, est toujours présent aux instances pénales et prend des réquisitions (il donne son avis sur la peine applicable). Il est partie au procès mais non juge.
- Le tribunal de police: juge les contraventions reprochées à des personnes majeures (excès de vitesse, dégradation de bien…). Il prononce des amendes, le retrait de permis, mais aucune peine d’emprisonnement.
- Le tribunal correctionnel juge les délits (vol, violences graves, blessure involontaire, détention de stupéfiants…) il peut prononcer des peines d’emprisonnement jusqu’à dix ans (20 en cas de récidive).
- La cour criminelle départementale saisie par le juge d’instruction juge les crimes punis de 15 à 20 ans de réclusion (viol, vol à main armée) hors récidive légale.
- La cour d’assises juge les crimes (assassinat…. etc.), punis d’une réclusion criminelle pouvant aller de 15 ans à la perpétuité. Saisie par le juge d’instruction, elle est composée de trois juges professionnels et d’un jury constitué de six citoyens tirés au sort.
- La cour d’assises spéciale est compétente pour statuer sur les crimes commis en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants en bande organisée. Elle est composée de sept magistrats professionnels.
Les juridictions pénales pour mineurs
- Le juge des enfants juge, seul, les infractions de moindre gravité mais il est aussi chargé de la protection des mineurs. Il intervient lorsque leur santé, leur sécurité ou leur moralité sont en danger ou si les conditions de leur éducation sont compromises. Par exemple en cas de maltraitance il peut prononcer le placement auprès de l’aide sociale à l’enfance.
- Le tribunal pour enfants est saisi pour les infractions les plus graves et les mineurs récidivistes.
- La cour d’assises des mineurs juge les mineurs, âgés de 16 à 18 ans, ayant commis des crimes. Elle est composée de trois juges professionnels et d’un jury constitué de six citoyens tirés au sort.
Les voies de recours
L’appel
- En matière civile: le jugement peut faire l’objet d’un appel. Pour les demandes inférieures à 5000 € le tribunal de proximité juge en dernier ressort, le recours ne pourra être exercé que devant la Cour de cassation.
Le délai d’appel est généralement d’un mois à compter de la signification du jugement à la partie adverse (par voie d’huissier).
- En matière pénale: le délai d’appel est en principe de dix jours à compter du prononcé du jugement ou de l’arrêt. Mais seuls l’auteur de l’infraction et le parquet peuvent former un appel sur l’ensemble de la décision. La partie civile (la victime) ne peut interjeter appel que sur les seules dispositions civiles (les dommages et intérêts) et non sur les dispositions pénales (acquittement, relaxe, quantum de la peine…).
La majorité des jugements est susceptible de recours devant les cours d’appel.
Toutefois, l’appel d’une décision de la cour criminelle se déroule devant une cour d’assises d’appel (présence d’un jury populaire).
L’appel d’une décision de la cour d’assises est jugé par une autre cour d’assises (le jury passe de six à neuf citoyens).
L’appel d’une décision de la cour d’assises spéciale est jugé par une autre cour d’assises spéciale composée de neuf magistrats professionnels.
Devant la juridiction de recours, le dossier est totalement réexaminé.
NB : Les tribunaux rendent des jugements, les cours des arrêts.
La cassation
Il est possible de former un pourvoi à l’encontre d’une décision rendue par une juridiction d’appel :
- En matière civile dans un délai de deux mois (en général) à compter de la notification de l’arrêt par le biais d’un avocat aux conseils,
- En matière pénale dans le délai de cinq jours à compter du prononcé de l’arrêt.
Contrairement aux autres juridictions, la Cour de cassation ne juge qu’en droit (les règles de droit ont-elles ou non été respectées, la motivation est-elle suffisante, la procédure a-t-elle été correctement suivie etc…), elle ne se prononce pas sur les faits.
Le pourvoi doit préciser quelles règles de droit (règles de fond ou de procédure) n’ont pas été respectées.
La Cour va rendre :
- Soit un arrêt de rejet : la décision rendue par la cour d’appel est confirmée et l’affaire est terminée.
- Soit un arrêt de cassation et, sauf cas particuliers, la Cour va désigner une nouvelle cour d’appel qui devra réexaminer le dossier (la cour d’appel de renvoi).
Elle est composée de six chambres :
- 1ère chambre : droit des personnes, famille, protection des consommateurs, responsabilité médicale, propriété intellectuelle…
- 2ème chambre : droit des assurances, agents et courtiers, droit de la responsabilité, accidents de la circulation, procédure civile, surendettement, droit de la sécurité sociale …
- 3ème chambre : Propriété immobilière, construction, copropriété, baux d’habitation…
- Chambre commerciale : banque, bourse, concurrence, transport de marchandises, propriété intellectuelle, procédure collective…
- Chambre sociale : droit du travail, licenciement, conventions collectives…
- Chambre criminelle : crimes, exécution des peines, procédure pénale…
En cas de divergences de position sur un même thème entre les différentes chambres de la Cour de cassation, se réunit alors la Chambre mixte. Elle est composée de magistrats des différentes chambres et ce en vue d’harmoniser la jurisprudence de la Cour.
Lorsque les cours d’appel résistent à la Cour de cassation refusant d’appliquer la position de cette dernière, celle-ci se réunit alors en Assemblée plénière.
Juridictions de l’ordre administratif
Les juridictions administratives jugent les litiges entre les particuliers et les administrations (État, collectivité territoriale, établissement public ou organisme privé chargé d’une mission de service public) ou les administrations entre elles.
La juridiction de première instance : le tribunal administratif
En règle générale en matière administrative, le demandeur sollicite l’annulation d’une décision. Aussi, et avant de saisir le Tribunal administratif, il convient d’interroger l’administration concernée. Le silence de l’administration pendant deux mois vaut rejet et il est alors possible de saisir la juridiction pour contester la décision.
Le tribunal administratif peut être saisi pour :
- Demander l’annulation totale ou partielled’une décision administrative ou fiscale : un arrêté de refus de permis de construire, par exemple.
- Engager la responsabilité de l’administration publique : par exemple, celle d’un établissement hospitalier qui aurait commis une erreur et fait subir un préjudice à un patient.
- Contester la régularité des élections municipales, départementales, régionales ou européennes.
- Les litiges de droit du travail des fonctionnaires.
- Le droit des étrangers (droit de séjour, OQTF…).
- Tout litige concernant les impôts, les contrats administratifs.
La justice administrative juge également les litiges entre administrations, l’État contre une collectivité territoriale par exemple.
Les voies de recours
La cour d’appel administrative
Les cours d’appel administratives sont compétentes pour examiner les jugements de 1ère instance sauf ceux qui concernent :
- Les élections régionales et européennes,
- les recours contre les ordonnances du président de la République, les décrets…
- les demandes de dommages et intérêts inférieurs à 10 000 €.
Dans ces hypothèses, le recours doit être exercé devant le Conseil d’Etat.
Le délai de recours devant la cour d’appel administrative est de deux mois à compter de la notification du jugement.
En cas de contestation et dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, il est possible de saisir le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat
Tout comme la Cour de cassation, le Conseil d’Etat ne juge pas les faits, il vérifie l’application de la loi et l’absence de vice de procédure.
Il peut rejeter le pourvoi ou annuler la décision de justice. S’il annule la décision, il renvoie l’affaire devant une autre juridiction.
Exceptionnellement, il peut décider de rejuger l’affaire lui-même.
Le Conseil d’Etat est également compétent pour statuer sur les décisions rendues par les autorités indépendantes et notamment celles de l’ACPR ou de l’ARCOM.
Il convient en effet de rappeler que l’ACPR a la possibilité de prononcer des sanctions (amendes, retrait d’agréement…) et peut prendre des recommandations qui doivent être respectées. L’ensemble de ses décisions peut être contesté par-devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat a d’autres missions et notamment celle de conseiller juridique auprès du Gouvernement. Il peut également être saisi par le Parlement. Ces avis concernent les projets de loi, les projets d’ordonnance et certains projets de décrets. Il peut aussi examiner les propositions de loi.
Le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres nommés pour neuf ans. Les membres sont désignés par le président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
- Il est juge de la constitutionnalité des lois :
Il contrôle a priori :
Le Conseil constitutionnel est obligatoirement saisi des lois organiques (qui concernent les modalités d’organisation et de fonctions des pouvoirs publics) et des règlements des assemblées parlementaires.
Il peut être saisi d’un engagement international avant sa ratification ou son approbation.
Pour les lois ordinaires, le Conseil peut être saisi d’une loi avant sa promulgation soit par le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, soit par 60 députés ou 60 sénateurs au moins.
Il contrôle a posteriori : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation peut, lors d’une instance en cours, saisir le Conseil constitutionnel afin de savoir si une disposition législative déjà en application porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
- Il est juge de la répartition des compétences entre la loi et le règlement.
- Il peut être amené à vérifier si les conditions de présentation des projets de loi respectent les conditions.
- Il est juge de la répartition des compétences entre l’État et certaines collectivités d’outre-mer (à ce jour : Polynésie française, Saint-Barthélemy et Saint-Martin).
- Il veille à la régularité de l’élection du président de la République et des opérations de référendum, dont il proclame les résultats. Il est juge de la régularité de l’élection des parlementaires, et donc de leur éligibilité ; il intervient également lorsqu’un parlementaire se trouve, ou est susceptible de se trouver, dans un cas d’incompatibilité.
- Le Conseil constitutionnel émet un avis lorsqu’il est consulté par le chef de l’État sur la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution (péril national)et ultérieurement sur les décisions prises dans ce cadre.
Les décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Elles ne sont susceptibles d’aucun recours.
Les juridictions européennes
Ici, il sera juste question de mentionner ces juridictions dont les décisions peuvent entraîner des conséquences dans notre droit national.
La CJUE : la Cour de justice de l’Union européenne
- Elle contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union européenne,
- Elle veille au respect par les États membres, des obligations qui découlent des traités, et notamment à la transposition des directives. En cas de refus ou de retard, l’Etat membre concerné peut être condamné à des amendes et/ou à des astreintes.
- Elle interprète le droit de l’Union à la demande des juges nationaux. Ces derniers peuvent, et parfois doivent, se tourner vers la Cour de justice pour demander de préciser un point d’interprétation du droit de l’Union, afin de leur permettre, par exemple, de vérifier la conformité de leur législation nationale.
La Cour de justice répond non pas par un simple avis, mais par un arrêt ou une ordonnance motivée. La juridiction nationale destinataire est liée par l’interprétation donnée quand elle tranche le litige pendant devant elle. L’arrêt de la Cour de justice lie de la même manière les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème identique.
Les arrêts de la CJUE peuvent amener les Etats membres à modifier leur législation nationale.
En droit des assurances, la CJUE dans un arrêt du 29 septembre 2022 (affaire C-633/20) s’est prononcée sur l’application de DDA. La question était de savoir si une entreprise, souscriptrice d’un contrat d’assurance de groupe, et qui proposait des adhésions en contrepartie de rémunération devait être considérée comme un intermédiaire d’assurance.
La CJUE a répondu par l’affirmative.
La CEDH : La Cour européenne des droits de l’Homme
La Cour européenne des droits de l’Homme est une juridiction internationale compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’Homme.
Les arrêts de la CEDH ne peuvent ni annuler, ni modifier des décisions prises par des juridictions françaises mais à la suite de condamnations, l’Etat membre signataire de la Convention européenne des droits de l’homme peut être amené à modifier sa législation nationale.
Elle peut être saisie directement par les particuliers.
Pour mémoire, la Convention garantit notamment :
- le droit à la vie,
- le droit à un procès équitable,
- le droit au respect de la vie privée et familiale,
- la liberté d’expression,
- la liberté de pensée, de conscience et de religion,
- le droit au respect de ses biens.
Elle interdit notamment :
– la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants,
– l’esclavage et le travail forcé,
– la peine de mort,
– la détention arbitraire et illégale,
– les discriminations dans la jouissance des droits et libertés.