En 2022, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a principalement axé ses contrôles sur le devoir de conseil auprès des clients fragiles et vulnérables et sur le démarchage téléphonique à la suite de l’adoption de la loi du 8 avril 2021 n°2021-402 et du Décret du 17 janvier 2022 n°2022-34.

En 2023, l’ACPR  s’est davantage intéressée à la commercialisation des contrats d’assurance santé, des garanties annexes tels GAV, assurance voyage…

Sans être exhaustif, cet article va faire le point sur ces différents sujets et souligner les attentes de l’ACPR.

Rapport annuel 2022 de l’ACPR publié le 31 mai 2023
Rapport annuel 2023 de l’ACPR publié le 25 mai 2024

Le démarchage téléphonique

Les articles L112-2 et R112-7 du code des assurances mettent à la charge des professionnels de l’assurance des obligations très contraignantes et ce à chaque étape de la discussion :

Au début de la conversation

Dès le début de l’appel, le professionnel doit en particulier :

  • S’identifier sans aucune ambiguïté et préciser s’il est salarié d’un organisme d’assurance ou d’un intermédiaire en assurance. Dans ce dernier cas, il doit indiquer le numéro d’inscription au registre ORIAS. ;
  • Informer du caractère commercial de l’appel ;
  • Recueillir l’accord explicite pour poursuivre la communication téléphonique ;
  • Informer que l’appel téléphonique fait l’objet d’un enregistrement. Depuis le 1eravril 2022, les conversations liées à un démarchage téléphonique doivent être enregistrées et conservées 2 ans si elles ont débouché sur la signature d’un contrat.
  • Si l’interlocuteur indique ne pas être intéressé ou ne souhaite pas être enregistré, le professionnel doit mettre fin à l’appel.

Si la conversation peut se poursuivre

Dans ce cas, le professionnel doit :

  • Préciser les garanties et exclusions du contrat proposé ;
  • Indiquer le montant total de la prime et de la durée minimale du contrat ;
  • S’assurer, dans le cas où l’offre concernerait un risque déjà couvert, de la résiliation du contrat en cours avant la prise d’effet du contrat proposé ;
  • Informer de l’existence ou de l’absence d’un droit à renonciation et des modalités de conclusion du contrat.
  • Il est tenu à un devoir d’information et de conseil et doit donc poser des questions sur la situation, recueillir les besoins et exigences et expliquer en quoi le contrat proposé est adapté à votre situation.

Une fois la conversation terminée

A la fin de l’appel, et si l’interlocuteur est intéressé, le professionnel doit, dans un premier temps, transmettre les documents précontractuels relatifs au contrat d’assurance.

Ce n’est que dans un deuxième temps, après un délai minimal de 24 heures à compter de la réception de ces documents que le client pourra, signer le contrat.

Seule la signature manuscrite ou électronique sera valable. Un accord verbal, y compris par répétition d’un code reçu par sms par exemple, n’est donc pas valable.

Exemples de sanctions

Le 6 août 2024, la DGCCRF a condamné une société de courtage parisienne à une amende administrative d’un montant de 36 050 € pour avoir passé 18025 appels téléphoniques en méconnaissance du dispositif Bloctel, ce qui constitue autant de manquements à l’article L. 223-1 du Code de la consommation.

En mars 2024, la DGCCRF a prononcé une amende administrative de 125 000 € à l’encontre d’un courtier d’Aquitaine qui avait eu recours au démarchage téléphonique sans avoir ni vérifié la conformité des fichiers de prospection avec la liste d’opposition BLOCTEL, ni indiqué clairement au consommateur le caractère commercial de l’appel.

Clientèle fragile et vulnérable

Par plusieurs publications dont la dernière datée du 7 novembre 2023, l’ACPR et l’AMF ont rappelé l’importance que ces deux autorités accordent à la protection de la clientèle vulnérable, fragile…

La notion de vulnérabilité

La « vulnérabilité » n’est pas définie en droit français mais il est possible de la classer en 4 catégories :

  • Un faible niveau d’éducation littéraire, linguistique ou financière ;
  • Un problème de santé, comme une blessure, une maladie, une dégradation de la santé mentale, des problèmes cognitifs ou un handicap ;
  • Une difficulté occasionnée par certains évènements de sa vie personnelle (grossesse, divorce, deuil, maladie d’un proche, …) ;
  • Une capacité (ou résilience) financière faible, par exemple en cas de surendettement.

Les points d’attention

Les autorités insistent pour :

  • La mise en œuvre ou l’approfondissement des actions de sensibilisation et/ou de formation des conseillers aux vulnérabilités potentielles des seniors, afin de mieux accompagner ces clientèles et de recueillir des décisions financières fondées sur un consentement éclairé.
  • Renforcer l’attention et l’accompagnement internes, au travers de la création d’un rôle de « référent vulnérabilité », chargé de veiller aux bonnes pratiques commerciales.
  • Accroître la vigilance pour mieux prévenir les risques, via le renforcement des procédures internes et via des contrôles permettant de limiter les risques de mauvaise commercialisation, sources de dommages pour les clients, et les risques de contentieux pour l’établissement.
  • Vérifier le caractère approprié du contrat à l’égard de la situation financière du client ;
  • La cohérence des contrats avec l’ensemble des besoins et la situation du client.

Les garanties accidents de la vie et les assurances affinitaires

Les contrôles réalisés en 2022 et 2023 auprès des assureurs sur différents contrats d’assurance non-vie (garantie accidents de la vie, assurance voyage, assurance des consoles de jeux ou des téléphones mobiles…) ont révélé une prise en compte insuffisante de l’intérêt des clients et des dysfonctionnements dans le suivi des produits, en méconnaissance des obligations réglementaires.

Un constat préoccupant

  • Certains des produits concernés se caractérisent par des ratios de sinistres à primes faibles.
  • Le contenu des garanties n’est pas toujours lisible pour le client et se trouve, dans certains cas, substantiellement réduit par le jeu de nombreuses clauses d’exclusion et de conditions de garantie, qui interrogent in fine sur l’intérêt du produit pour tout ou partie du marché cible.
  • Les pratiques en matière de gestion de sinistres sont également critiquables : les refus ne sont pas toujours formalisés par écrit et leur motivation manque de précision. Par ailleurs, de nombreux refus de prise en charge résultent d’exigences en matière de causalité entre le dommage et le sinistre qui sont formulées de façon ambiguë dans les contrats et dont les conséquences ne sont pas présentées clairement au client à la souscription (ex. : lien exclusif entre le dommage et l’accident garanti).
  • Ils provoquent régulièrement le mécontentement des assurés et leur incompréhension.
  • Le suivi du produit, réalisé par les assureurs, est essentiellement quantitatif et axé sur les aspects commerciaux et sur la rentabilité. Il ne permet pas de détecter les éventuelles répercussions négatives du produit pour le client, ni de s’assurer de la qualité des ventes.

En résumé, certains produits ou certaines garanties peuvent afficher dans la durée des ratios de sinistralité très faibles, des taux de refus de prise en charge élevés et de nombreuses réclamations pour des motifs récurrents, sans que les assureurs ne cherchent à en identifier les causes.

Outre des condamnations à des amendes très importantes plusieurs milliers d’euros prononcées par les tribunaux judiciaires, l’ACPR peut prendre à l’encontre d’intermédiaire des mesures conservatoires d’interdiction temporaire de commercialisation de tout contrat d’assurance, en application de l’article L.612-33-3e du Code monétaire et financier et ce afin de protéger la clientèle. Article L612-33 – Code monétaire et financier – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Exemple de sanctions

Depuis le 25 avril 2023, un courtier d’assurance français est soumis à une interdiction de distribuer des contrats d’assurance.

Ce courtier distribuait notamment des contrats d’assurance dommages couvrant des produits de téléphonie, multimédias ou électroménagers via des magasins partenaires.

Pour prononcer cette condamnation, l’ACPR s’est appuyée sur des manquements graves constatés à l’occasion d’un contrôle sur place.

L’interdiction temporaire sera levée lorsque la société aura pu justifier, auprès de l’ACPR, qu’elle respecte les exigences réglementaires.

Les contrats d’assurance santé

En 2023, les contrôles de l’ACPR auprès de courtiers et d’agents généraux portant sur la commercialisation des contrats d’assurance santé (hors démarchage téléphonique) ont révélé les insuffisances suivantes :

Le recueil du besoin du client

L’ACPR a considéré que les intermédiaires n’interrogeaient pas suffisamment leur client notamment sur le montant de leur budget disponible et ne précisaient pas clairement le montant pouvant rester à charge

Enfin, l’ACPR a noté l’absence de glossaire permettant d’assurer à la clientèle une information claire et suffisante.

La motivation du conseil

Selon l’ACPR, les professionnels contrôlés ne précisent pas suffisamment en quoi le contrat proposé est cohérent avec les besoins et exigences de leur client.

L’ACPR a relevé que les distributeurs utilisent fréquemment, voire systématiquement pour les agents généraux, la documentation (précontractuelle et contractuelle) et les outils de souscription des assureurs concernés.

Des discussions avec certains organismes d’assurance sont mises en place afin de mettre en place des dispositifs de vente permettant aux réseaux de délivrer un meilleur conseil aux clients

 

À la suite de ces différents contrôles et pour l’ensemble des produits d’assurances, l’ACPR a pris deux Recommandations :

  • L’une 28 juin 2024 Recommandation ACPR 2024-R-01 du 28 juin 2024 sur la mise en œuvre de certaines dispositions de DDA complétant la Recommandation 2023 R 01du 17 juillet 2023.
  • La seconde concerne le traitement des réclamations Recommandation ACPR R-02 du 2 juillet 2024

De plus et concernant le secteur plus particulier des assurances-vie, plusieurs arrêtés ont été pris les 12 juin 2024 et 20 juin 2024 « renforçant le devoir de conseils et l’information due par l’assureur.

Ces textes feront l’objet d’une étude plus approfondie dans le numéro de novembre 2024.