Mise en œuvre de certaines dispositions de DDA
Recommandation du 28 juin 2024 de l’ACPR
Entrée en vigueur le 28 juin 2024
Cette Recommandation s’applique aux intermédiaires d’assurance et introduit :
- des nouvelles exigences en matière de gouvernance et de surveillance produits.
- des nouvelles mesures en vue de prévenir les conflits d’intérêts et la rémunération des intermédiaires.
Exigences en matière de gouvernance et de surveillance produits
Selon l’ACPR, il est impératif que le produit proposé corresponde exactement aux besoins et souhaits du consommateur et présente un bon retour sur investissement.
Aussi, les concepteurs devront mettre au point un « processus de tarification » permettant d’établir et de quantifier tous les coûts et frais des produits et d’évaluer si ceux-ci ne réduisent pas la valeur attendue du produit.
Les distributeurs devront également réaliser des évaluations similaires, en se fondant sur les évaluations des concepteurs et en tenant compte de l’ensemble des coûts supportés par les investisseurs de détail à l’achat d’un produit.
Pour rendre l’évaluation plus objective, les concepteurs et distributeurs devront également comparer le produit à une référence pertinente.
A chaque mise sur le marché d’un nouveau produit ou en cas d’adaptation significative (exemple : modification, des plafonds, des franchises…), l’assureur et/ou le courtier grossiste doit se doter et pouvoir justifier d’une “grille d’analyse et de critères objectifs” pour caractériser les adaptations envisagées des produits.
Le maître mot est de définir un marché cible spécifique (clients ayant des intérêts commun) et de vérifier que le produit est totalement adapté au client.
Dans sa Recommandation, l’ACPR introduit la notion de « value for money » et demande que soient réalisés des tests relatifs à la performance réelle des produits et ce en comparaison avec des référentiels nationaux, référentiel sans doute établi par France Assureurs.
L’ACPR insiste sur les obligations de sélection des distributeurs pour les professionnels animant un réseau de distribution visant à vérifier que “ces derniers sont en mesure de distribuer le produit conformément à la stratégie de distribution prévue”. (Exemples : déterminer avec soin les canaux de distribution, détecter la vulnérabilité de la clientèle…).
Le concepteur du produit doit transmettre aux distributeurs des informations nécessaires pour leur permettre de “comprendre parfaitement le produit et d’appréhender le marché cible” et ainsi d’exercer leur activité au mieux des intérêts des clients.
Il doit réaliser des tests pour s’assurer que les coûts du produit sont proportionnés aux bénéfices attendus pour le marché cible identifié.
L’ACPR rappelle en outre que si la stratégie de distribution est défavorable au marché cible, celle-ci devra être révisée ou la commercialisation du produit devra cessée.
Enfin, le concepteur doit “surveiller et revoir régulièrement les produits, afin d’identifier les événements susceptibles d’affecter significativement leurs principales caractéristiques, la couverture des risques ou les garanties.” (Exemples : nombre de réclamations, sous performance répétée du produit…).
Cette Recommandation de l’ACPR fait écho notamment aux constatations figurant dans son rapport d’activités paru en mai 2024 et aux dysfonctionnements constatés notamment dans les garanties complémentaires GAV et assurances affinitaires.
Pour rappel, l’ACPR avait constaté que certains produits ou certaines garanties affichent dans la durée des ratios de sinistralité très faibles, des taux de refus de prise en charge élevés et de nombreuses réclamations pour des motifs récurrents, sans que les assureurs ne cherchent à en identifier les causes. (cf. numéro d’octobre)
Rémunération des intermédiaires et prévention des conflits d’intérêts
L’ACPR dans sa Recommandation rappelle que :
- Le distributeur doit faire en sorte que sa rémunération ne contredise pas son obligation de loyauté vis-à-vis de son client.
- La rémunération ne doit pas inciter un distributeur à conseiller un produit moins judicieux ou qui ne correspond pas aux besoins du client.
- Il est fortement déconseillé d’instaurer une politique de rémunération incitative, sous quelque forme que ce soit, qui aboutirait à des situations à rebours des intérêts du preneur d’assurance (par exemple, ne pas proposer au preneur le produit présentant le meilleur rapport qualité / prix au regard des garanties proposées).
- Il est plus que déconseiller d’introduire une politique de rémunération des personnels distribuant des produits de plusieurs concepteurs différents.
- En revanche, il est envisageable de mettre en œuvre une politique de rémunération encourageant la vente au respect du marché cible et de ses éventuelles segmentations.
- Enfin, il est recommandé d’intégrer dans les dispositifs de contrôle interne, les vérifications nécessaires pour veiller à l’adéquation des opérations de distribution aux besoins et objectifs du client.
En matière d’assurance vie, les recommandations de l’ACPR sont encore plus strictes en ce que toute politique de rémunération qui prévoirait une rémunération variable uniquement fondée sur des données commerciales quantitatives ( à l’instar des volumes des ventes) ou un sur-commissionnement au titre de l’encours des seuls supports en unités de compte ou de certains d’entre eux (fonds euros, supports en unités de compte, produits structurés) ou d’opérations analogues ne correspondant pas aux besoins et exigences du client, est prohibée.
Le traitement des réclamations
Recommandation du 2 juillet 2024 de l’ACPR
A l’occasion de la parution de la recommandation ACPR R-02 du 2 juillet 2024, il parait nécessaire de faire le point sur la question du « traitement des réclamations ».
Ce concept a pour origine :
- Le droit de la consommation, protecteur des intérêts des particuliers vis-à-vis des professionnels,
- La volonté d’extra judiciariser les litiges.
Sous l’impulsion du droit européen, le législateur a introduit cette notion dans le code de la consommation, mais également dans le code des assurances aux articles L112-2 alinéa 2, L112-2-1 III, L 521-2 du code des assurances etc…
L’ACPR a spécifié les modalités de mise en œuvre du traitement des réclamations.
La dernière recommandation en date du 2 juillet 2024 ne modifie pas en profondeur celle édictée le 9 mai 2022 et entrée en vigueur le 1er janvier 2023 mais rappelle les grands principes.
Qu’est-ce qu’une réclamation ?
Origine de la réclamation :
Une réclamation se définit comme l’expression d’un mécontentement envers un professionnel, pouvant émaner de toute personne, y compris en l’absence de relation contractualisée avec le professionnel :
- Clients (particuliers ou professionnels),
- Anciens clients, bénéficiaires,
- Personnes ayant sollicité du professionnel la fourniture d’un produit ou service ou qui ont été sollicitées par un professionnel, y compris leurs mandataires et leurs ayants droit.
Support de la réclamation
- Courrier,
- Mail,
- Téléphone
Exemples de réclamations :
Mécontentement portant sur :
- Les communications publicitaires, notamment leur réception ;
- Une technique de vente (acte de démarchage) ;
- La qualité du consentement donné ou son absence ;
- La teneur d’un discours commercial ;
- La qualité d’accueil ;
- L’information précontractuelle ou le conseil, y compris si le produit ou le service n’a pas été souscrit (absence, qualité) ;
- L’absence ou le délai de traitement d’une demande d’informations ou de communication de documents ;
- La qualité d’une réponse apportée ;
- L’absence ou le délai d’exécution d’une opération ou de versement de prestations ;
- La tarification d’un produit ou service
- L’indemnisation (refus de garanties, montant de l’indemnité…)
- L’expertise (choix de l’expert, délai, conclusions)
- L’absence ou le délai de traitement d’une demande de résiliation…
- Une lettre relance peut être assimilée à une réclamation
Exemples inverses : ne sont pas des réclamations :
- Demande de geste ou remise commercial(e)
- Demande de communication de documents ;
- Demande d’exécution du contrat (demande d’opération, de prestation…) ;
- Demande d’information ou d’explications (clauses du contrat, fonctionnement du produit ou service, procédure pour souscrire ou mettre fin à un produit ou service, application de mesures gouvernementales…) ;
- Demande d’avis ou de conseil : de type juridique, sur ses droits, sur le choix d’un contrat en fonction d’une situation de famille
Qui est concerné ?
Les assureurs bien entendu mais également tous les intermédiaires sont concernés et visés par la Recommandation.
Avant même la conclusion du contrat, l’article L 521-2 du code des assurances prévoit l’obligation pour l’intermédiaire de fournir au souscripteur éventuel toutes les informations relatives notamment aux procédures de réclamations et au recours à un processus de médiation.
Par ailleurs, les intermédiaires doivent être formés pour être en mesure de détecter toute réclamation et la traiter en conséquence.
A titre d’exemple, le Conseil d’Etat dans un arrêt du 11 juin 2024 (475352) a confirmé la décision de l’ACPR d’interdiction temporaire d’activités de la société SFAM (courtier en assurances) pour violation de diverses obligations professionnelles et notamment celle du traitement des réclamations.
Obligations pour le professionnel
Le consommateur au sens large du terme doit nécessairement être avisé de la possibilité de saisir le service réclamation.
Ainsi et sur les sites internet des sociétés d’assurance ou de courtage, figure généralement une rubrique « Réclamation » permettant, sans identification préalable, au réclamant, de déposer sa demande et de préciser les modalités (délai…), il peut également être proposé des formulaires en ligne.
Outre ce devoir d’information (obligation légale), l’ACPR édicte trois obligations :
- Le professionnel doit se doter d’un circuit d’identification et de suivi des réclamations. L’organisation doit être simple et efficace.
Comme indiqué ci-dessus, l’intermédiaire d’assurance et ses collaborateurs doivent être suffisamment formés pour détecter la réclamation et la transmettre sans délai au service compétent.
- Lorsqu’une réclamation est formulée par écrit, le professionnel dispose de :
- 10 jours à compter de la date d’envoi, pour en accuser réception et,
- 2 mois pour y répondre par écrit, de manière claire et argumentée.
Ce délai peut être prorogé si la particularité du dossier l’exige. II faut également noter que si la réponse apportée par le courtier ne satisfait pas le demandeur, la réclamation est portée à la connaissance de l’assureur pour une seconde analyse.
Si la réclamation est orale, il faut inviter le requérant à établir un écrit permettant de fixer le point de départ des délais.
- Le professionnel se doit d’aviser le réclamant de sa possibilité en cas de persistance du désaccord de saisir le Médiateur de l’assurance et ce dès l’expiration du délai de 2 mois à compter de la première réclamation écrite.
- A partir des dysfonctionnements identifiés à la suite des réclamations, le professionnel doit mettre en place des actions correctives.
Il est donc recommandé aux professionnels de tenir un fichier des réclamations afin de pouvoir détecter le ou les éventuel(s) dysfonctionnement(s) récurrent(s) méritant des mesures adéquates.
Saisine du médiateur
Depuis le 1er janvier 2023, l’épuisement des voies de recours internes n’est plus nécessaire.
Deux mois après la première réclamation adressée par courrier au professionnel en cause ou à son intermédiaire, l’assuré peut saisir le médiateur compétent.
Un principe qui vaut aussi bien en cas de réception d’une réponse négative écrite ou d’absence de réponse plus de deux mois après l’envoi de son courrier.
Dans la majorité des cas, la position retenue par le Médiateur est acceptée par les parties.
L’ACPR n’a pas été la seule à établir des textes régissant l’activité des intermédiaires puisqu’en application de la Loi du 23 octobre 2023 entrée en vigueur un an plus tard soit le 24 octobre 2024, un Décret et des arrêtés ont été publiés concernant le secteur de l’assurance vie.
Ces dispositions seront étudiées le mois prochain.