La reprise à la concurrence consiste pour un intermédiaire à démarcher un client afin de lui proposer, en principe, une solution assurantielle meilleure ou au moins équivalente à celle déjà souscrite. Or, à l’occasion d’un sinistre, il peut arriver que l’indemnisation prévue au titre du nouveau contrat soit moins avantageuse que celle à laquelle aurait pu prétendre l’assuré au titre de sa précédente police. La prise en charge du sinistre peut également lui être purement et simplement refusée. Dès lors, l’assuré sera tenté de rechercher la responsabilité de l’intermédiaire, prétendant que le changement conseillé lui a été préjudiciable.
Puisque le principe voudrait qu’en cas de reprise à la concurrence la nouvelle offre apporte un gain à l’assuré ou le maintienne au minimum dans la même situation, sauf s’il a exprimé un besoin différent, la responsabilité de l’intermédiaire pourrait être engagée.
C’est pourquoi l’intermédiaire d’assurance doit être particulièrement vigilant à chaque étape de la souscription.

Être attentif lors de la résiliation

Par définition, la reprise à la concurrence implique préalablement la résiliation du précédent contrat. Par conséquent, avant ou au moment de la souscription d’un nouveau contrat, l’intermédiaire devra veiller à la résiliation effective de la précédente police pour éviter un cumul d’assurance. Or, les cas de résiliation sont nombreux, notamment après l’adoption des lois Chatel n° 2005-67 du 28 janvier 2005 et Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014 concernant les contrats souscrits par un consommateur. L’intermédiaire devra donc choisir le bon motif de résiliation. En tout état de cause, il ne doit pas s’engager à résilier un contrat si les conditions ne sont pas réunies. A défaut, l’assuré, contraint de payer deux primes pour un même risque pourrait se retourner contre lui en remboursement de la prime supplémentaire.
Par ailleurs, même si cela peut apparaître comme une évidence, lorsque le prospect ne souhaite changer qu’une partie de ses contrats, l’intermédiaire doit être attentif à la demande qui lui est formulée.

Exemple : un prospect se présente à un agent général en lui indiquant être couvert au titre de plusieurs contrats, notamment un « Prévoyance Santé » et une « Complémentaire Santé ». L’intermédiaire lui propose alors de remplacer ces deux contrats. Le prospect accepte de changer de contrat Prévoyance mais non la Complémentaire. Or, c’est cette dernière que l’intermédiaire résilie tout en proposant un second contrat « Prévoyance », de sorte que son client se retrouve en cumul d’assurance Prévoyance. Le souscripteur demande à l’intermédiaire de lui rembourser la prime échue au titre du second contrat Prévoyance. (procédure en cours).

Une déclaration de risque à surveiller

La déclaration du risque est un préalable à toute souscription d’un contrat et en conditionnera son application puisqu’en cas d’erreur, l’assureur pourrait soulever la nullité du contrat ou appliquer une règle proportionnelle de prime.
Si la jurisprudence a posé comme principe qu’il n’appartenait pas à l’intermédiaire de contrôler la véracité de la déclaration du risque faite par le client, dans le cas d’une reprise à la concurrence, ce dernier devra néanmoins s’assurer qu’il n’y a pas de distorsion entre la déclaration faite au titre du précédent contrat et celle faite lors de la nouvelle souscription.
Dans le cas où les déclarations ne seraient pas concordantes, l’intermédiaire devra attirer l’attention de son client sur ces distorsions et leurs conséquences, tout en se ménageant la preuve de cette information. En effet, les magistrats dans une telle situation auront tendance à mettre à la charge de l’intermédiaire un devoir de mise en garde car, lors de la survenance d’un sinistre, l’assuré ne sera pas indemnisé en totalité alors qu’il l’aurait été en application du contrat précédent.
Pour ce faire, l’intermédiaire devra solliciter de son client un exemplaire complet du contrat antérieur, et en conserver une copie. Seule l’étude de la totalité des documents contractuels, y compris les conditions générales, permettra de déterminer l’étendue du risque déclaré et éviter une absence ou une limitation de garantie. Dans le cas où le client ne remettrait pas une copie intégrale de son contrat, l’intermédiaire aura tout intérêt à le lui spécifier par écrit, afin d’éviter que le client lui reproche de ne pas avoir repris la description du risque antérieure dont l’intermédiaire n’avait pas connaissance ou une connaissance tronquée. Néanmoins, l’intermédiaire ne devra pas se contenter de reprendre la description du risque précédente mais remplir son devoir de conseil en interrogeant son client sur une possible évolution du risque et sur ses besoins et exigences.

Exemple N°1 : un courtier a repris un contrat garantissant un immeuble et des dépendances. Le bien est endommagé par un incendie et la compagnie oppose une règle proportionnelle de prime, les dépendances n’ayant pas été indiquées lors de la souscription. Le client assigne le courtier en lui reprochant de ne pas lui avoir conseillé de déclarer correctement les surfaces à assurer. Les magistrats ont condamné le courtier à prendre en charge une partie de la règle proportionnelle. Ils ont estimé que le courtier avait commis une faute en n’invitant pas son client à rectifier l’omission des dépendances dès lors qu’il en connaissait l’existence celles-ci figurant sur le précédent contrat. (Tribunal de Grande Instance 12 décembre 2016).

Exemple N°2 : un agent démarche un client pour lui proposer un contrat responsabilité civile et responsabilité décennale. Le client lui remet une copie de son avis d’échéance sur lequel sont mentionnées les activités déclarées. Le client remplit également une déclaration du risque reprenant les mêmes activités. Deux ans plus tard survient un sinistre engageant la responsabilité décennale du client au titre d’une activité non couverte par le nouveau contrat. Le client assigne l’agent car cette activité était automatiquement garantie par le précédent contrat et mentionnée comme tel sur les conditions particulières du contrat et les attestations, mais elle ne figurait pas sur l’avis d’échéance transmis à l’agent général. (Procédure en cours).

Exemple N°3 : un courtier démarche un client afin de lui faire souscrire un contrat MRH. Le nouveau contrat est mis en place. Un sinistre incendie survient et la compagnie oppose une règle proportionnelle de prime eu égard à la superficie déclarée. Le client avait déclaré la même surface qu’au titre de son contrat précédent, or la méthode de calcul du nouveau contrat était différente. Le client met en cause la responsabilité civile du courtier pour défaut de conseil.

Dans le cadre des contrats santé-prévoyance, proposer un changement de contrat peut faire peser sur l’assuré un risque important de non-garantie lorsque survient un sinistre entre la date à laquelle la résiliation du contrat a été sollicitée et la date de prise d’effet du nouveau. Dans l’hypothèse où le nouveau contrat n’aurait pas été souscrit concomitamment à la demande de résiliation, l’assureur pourra soit exclure la pathologie déclarée si le contrat n’avait pas encore été souscrit ou faire application des règles relatives à l’aggravation du risque et résilier le contrat. Le client se retrouvera dans une situation où une partie de son risque médical ne sera pas pris en charge. Pour ce type de contrat, il est donc préférable de proposer une garantie cumulative à effet immédiat dès la demande de résiliation du nouveau contrat afin d’éviter tout risque de trou de garantie.

Des garanties nécessairement similaires ?

Lors d’un sinistre, un assuré qui se verrait opposer une limitation de garantie aura tendance à comparer sa situation avec celle qui aurait été la sienne en application de son précédent contrat. Ici, le litige ne résultera pas tant de la connaissance du risque que devait avoir l’intermédiaire, ni d’une évolution du risque mais de la solution assurantielle différente qu’il a proposée. En effet le nouveau contrat peut, pour certaines garanties, se révéler moins favorable alors que, pour d’autres garanties, la couverture assurantielle sera meilleure.Le fait de proposer une garantie moins étendue n’est pas, en soi, constitutif d’une faute. Cela peut s’expliquer par différents facteurs, tels que l’impossibilité de trouver deux contrats strictement identiques sur le marché, du choix du souscripteur de privilégier l’aspect tarifaire, de l’existence de garanties moins étendues pour certains risques mais plus importantes pour d’autres et, surtout, de l’acceptation du souscripteur de consentir à ce nouveau contrat en fonction de ses critères personnels.
En revanche, il est impératif que l’intermédiaire ait bien expliqué au prospect les différences entre les deux contrats et qu’il justifie que cette information a bien été communiquée à ce prospect. L’assuré sera alors réputé avoir souscrit son nouveau contrat en toute connaissance de cause.

Exemple N°1 : un garagiste souscrit un contrat Multirisque Professionnel prévoyant, au titre de la garantie « Perte d’exploitation » un plafond de garantie de 960.000 euros et une limite d’indemnisation dans le temps (12 mois). Son ancienne police prévoyait seulement une limite d’indemnisation dans le temps (12 mois). Les magistrats retiennent que cette différence ne justifie pas, à elle seule, que la responsabilité de l’intermédiaire soit retenue dès lors qu’il a reçu l’intégralité des nouvelles pièces contractuelles (Tribunal de Commerce, 24 mai 2012).

Par ailleurs, la comparaison de deux contrats successifs peut parfois révéler un manquement à l’obligation de conseil ou de mise en garde pesant sur l’intermédiaire. Autrement dit, la différence de garantie est moins une cause qu’une conséquence du manquement de l’intermédiaire.
C’est ce qui explique que sa responsabilité puisse parfois être retenue même lorsqu’il propose une garantie identique, voire légèrement supérieure, à celle prévue au contrat initial. L’appréciation se fera au cas par cas, de sorte qu’il est difficile d’établir une liste exhaustive des hypothèses dans lesquelles les garanties proposées doivent être considérées comme suffisantes.

Exemple N°2 : un artisan déclare exercer son activité à domicile. Il est couvert par le biais d’une assurance Habitation et un contrat Multirisque professionnel. Un agent général reprend uniquement le contrat Multirisque. Un incendie ravage l’immeuble. L’assuré est indemnisé au titre de son contrat Habitation, qui exclut toutefois de sa garantie le coût de construction de l’atelier et le matériel professionnel ainsi que la perte d’exploitation. Les magistrats retiennent la responsabilité de l’intermédiaire, qui devait s’assurer qu’en cas de sinistre incendie, le matériel professionnel serait couvert par l’un des contrats (Tribunal de Grande Instance, 27 octobre 2014).

Exemple N°3 : une société de transport a souscrit un contrat Multirisque Professionnel. Un courtier reprend ce risque dans les mêmes conditions selon ordre de remplacement. L’assuré déclare un sinistre suite à un accident impliquant son camion. L’assureur accepte de l’indemniser au titre de la perte de marchandises mais lui oppose le plafond de garantie, inférieur aux dommages réellement subi. Les magistrats retiennent que le courtier aurait dû mettre en garde son client sur l’inadéquation du plafond de garantie. Le courtier est condamné à indemniser son client à hauteur de la différence entre le préjudice réellement subi par son client et l’indemnisation versée par la compagnie (Cour d’appel, 9 février 2015).

Exemple N°4 : une société exploitant un fonds de commerce de négoce d’objets précieux souscrit un nouveau contrat Multirisque Professionnel comprenant une garantie « Vol » limitée à 28.000 euros alors qu’elle était plafonnée à 25.000 euros dans le précédent contrat. Un sinistre est déclaré et l’expert mandaté par la compagnie l’évalue à environ 67.000 euros. Le tribunal condamne le courtier au motif qu’il n’a pas évalué le risque avec plus de précisions, le cas échéant en sollicitant les pièces comptables et/ou en se rendant sur place (Tribunal de Grande Instance, 11 septembre 2012).

Une garantie effective

Le principe voudrait que l’ensemble des garanties souscrites soit d’application immédiate. Or, certaines peuvent faire l’objet de délais de carence dans le cadre de la mise en place du nouveau contrat. L’intermédiaire devra alors informer son client de ce décalage dans le temps notamment par le biais de la fiche conseil ou dans certains cas lui proposer de souscrire la garantie dès la demande de résiliation afin de faire courir les délais de carence pendant la période de latence précédant la résiliation.
La reprise à la concurrence, nécessitant la résiliation du contrat en cours, l’intermédiaire devra s’assurer de la prise d’effet de la nouvelle garantie proposée. Dans l’hypothèse où celle-ci dépendrait de démarches incombant exclusivement au client, il ne devra pas hésiter à le relancer par écrit en lui rappelant les risques encourus. En effet, dès lors qu’un intermédiaire fait cesser une garantie existante, il lui appartient d’en proposer une nouvelle et de veiller à sa mise en place. Pour s’exonérer de sa responsabilité,<strong< l’intermédiaire ne pourra invoquer le fait que l’absence de prise d’effet de la garantie résulterait de la seule négligence de son client s’il ne lui a pas rappelé par écrit les risques auxquels il s’expose. A défaut, les magistrats estimeront que l’intermédiaire a manqué à son devoir de suivi et de mise en garde.

Exemple N°1 : un agent cesse son activité au profit de son activité de courtage et propose à l’un de ses clients de remplacer ses contrats Santé et Prévoyance. Le courtier procède à la résiliation des contrats. Le contrat Santé est replacé à la date d’échéance et le contrat prévoyance nécessite outre le bulletin d’adhésion l’envoi d’un questionnaire médical. Le client retourne la demande d’adhésion sans questionnaire médical. Quelques mois plus tard, ce dernier sollicite le paiement d’indemnités journalières. La compagnie refuse de les prendre en charge, le contrat n’ayant pas été souscrit en l’absence de questionnaire médical. Le client assigne le courtier pour manquement à son devoir de suivi, ce dernier ne lui ayant adressé aucune relance à réception du bulletin d’adhésion. (Procédure en cours)

Exemple N°2 : un courtier transmet à une compagnie un ordre de remplacement incluant la résiliation du contrat souscrit précédemment par un agent général. La compagnie lui confirme la résiliation du contrat initial et la reprise du risque aux mêmes conditions, tout en lui rappelant l’obligation de saisir sa demande par informatique. Un sinistre survient quelques mois plus tard. La compagnie refuse alors de le prendre en charge au motif que le courtier ne lui a pas transmis la demande de souscription via son logiciel informatique, de sorte que les conditions particulières n’ont pas été émises. Le client met en cause la responsabilité civile du courtier (Procédure en cours).

La reprise à la concurrence peut être un exercice périlleux pour l’intermédiaire d’assurance dans la mesure où son client risque de se trouver dans une situation plus désavantageuse que celle qui était la sienne précédemment. Dans ce cas et sauf à démontrer que telle était sa volonté, la responsabilité de l’intermédiaire pourrait être engagée. Il doit donc toujours solliciter le contrat antérieurement souscrit et s’enquérir des nouveaux besoins et exigences de son client, ceux-ci pouvant avoir évolué dans le temps.